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Le séjour des Anciens combattants de cette unité à I'occasion de l’inauguration de la stèle commémorative de I'ILLWALD nous a permis de prendre connaissance - après trente ans - des durs combats menés aux portes de notre Ville au cours de. Janvier 1945. Nous remercions Ie colonel ARTIERES. commandant Ia circonscription régionale de Gendarmerie d’Alsace, ancien lieutenant de la 2ème Cie du bataillon de Marche N 4 de nous avoir retracé l’historique de ces événements qui est reproduit ci-après.
LE BM 4 A SELESTAT DU 1er AU 18 JANVIER 1945
Le puissant soubresaut allemand de fin 1944 est marqué par la rupture du front américain dans les Ardennes. En Alsace libérée, de graves menaces planent en raison de l’intention américaine de raccourcir le front et de se retirer dans les Vosges A ce moment là , la 1ère DFL se trouve dans Ie SudOuest, devant les «poches» de l’Atlantique où elle a été envoyée quelques semaines plus tôt.
La situation au Nord-Ouest entraîne son rappel d’urgence et après avoir traversé toute la France, elle parvient en Alsace les 1ier et 2 janvier 1945, le Bataillon de marche N° 4 arrive par Saintes-Marie-Aux-Mines relève aussitôt une unité de la 2ème DB qui a elle même remplacé hâtivement les Américains à Sélestat. Le soir même de leur arrivée les compagnies du BM 4 sont au contact dans les quartiers périphériques (villas, pavillons, jardins) que tiennent encore les Allemands à l’Est de la ville.
Le BM4 est une des plus anciennes unités des Forces Françaises Libres. Il provient du Tchad et du Niger. Comme les autres bataillons de la 1ère DFL, il a comblé les vides après le débarquement et progressivement remplacé les Africains qui ne résistent pas au climat des Vosges en incorporant des jeunes Français et parfois des maquis entiers.
C’est le cas du maquis de CHAMBARAN (près du Vercors) qui fut l’un des plus efficace dans la clandestinité. Le bataillon est commandé par Ie Dr MARIOTTE, assisté du capitaine de gendarmerie MOREL. Dans ses rangs, une héroïne Marie-Jeanne que le Général de Gaulle décorera lui-même de la Légion d’Honneur lors de la libération de Lyon et qui suivra le BM 4 jusqu'à la fin de la campagne. Ce groupement de résistants fournira la substance de deux compagnies du BM 4 lequel se trouve donc constitué alors d’anciens FFL ayant combattu en Afrique, en Italie et en Provence depuis plusieurs années. Mais également d’anciens FFI et de gendarmes de l’lsère et de jeunes engagés notamment d'un contingent provenant des Ardennes,
Le bataillon est commandé par le chef de bataillon BUTTIN ancien FFL. La 2ème compagnie est commandée par le capitaine MOREL. Ce dernier installe son PC au 10’ Boulevard Thiers. Les sections de la 2ème sont reparties dans une vaste zone, sensiblement dans l’angle formé par l’Avenue Charles Houillon. Le dispositif est très léger, très clairsemé, chacun s’en rend compte.
Quelques postes installés dans les villas ont également reçu la visite des propriétaires venus prendre des nouvelles de leurs biens. «Essayer de ménager le mobilier par contre tout ce qui est dans la cave est à vous» telles étaient à peu près les conventions. De fait certains de la 2ème compagnie installés dans de «bonnes» caves en gardent un souvenir ému. Ces futailles et ces conserves ont permis au moral de tenir et au physique de résister au froid intense qui règnait à l’époque.
Les premiers jours sont calmes, par contre les nuits sont très animées car iI faut "tâter" l’ennemi, le déranger, le localiser avec précision, et le commandement inquiet des préparatifs qu’il discerne, réclame des renseignements et surtout des prisonniers. II faut enfin compenser la légèreté du dispositif, les intervalles trop larges par des patrouilles multipliées, lesquelles s'exécutent, souvent à plat ventre en rampant dans la neige crissante de cette zone, malheureusement infestée de mines
Nos gens se fabriquent des chasubles blanches avec des draps pour être moins visibles. Le médecin FRANCOIS qui a innové ne quitte guère sa chasuble.
On connaît la mission générale de la Division : couvrir STRASBOURG et tenir coûte que coûte. On sait qu’elle est étirée sur 40 Km depuis GUEMAR jusqu'à KRAFFT. Ce qu’on saura plus tard, c’est qu’elle est presque seule en travers de la route d’un ennemi puissant, le corps d’armée Von MAUR, avec la brigade blindée « FELDHEERORRHALLE » des régiments SS.
RAPIDEMENT LES NOUVELLES SONT MAUVAISES .
Le 6 la densité de l’artillerie donne à penser que quelque chose est imminent.
Le 7 on apprend que le BM 24 est isolé à OBENHEIM et les jours suivants que les habitants voisins ne parviennent pas à le joindre à lui tendre la main. Le 10 c’est l’angoisse du BM 24 qui dans la région de ROSSFELD, HERBSHEIM parvient difficilement à rompre l’encerclement.
Le 12 la bataille continue au nord, le 13 c’est la région de SELESTAT qui subit l’attaque de la 198ème Division. Au Nord de la ville l’ennemi parvient jusqu'à la ferme RIEDWASSEN dans le secteur du BM 5 mais il est contre attaqué et repoussé. Devant SELESTAT, le BM 4 n’a rien cédé et repousse l’assaillant. Le canon de 67 dissimulé sous les draps au pied de la tour des Sorcières a tiré dans l’enfilade de la rue Houillon.
L’attaque subie n’a pas eu heureusement la violence connue ailleurs cependant l’angoisse étreint chacun qui se rend facilement compte que les disproportions des forces, notamment la nuit, se font entendre des grondements continus de chars
Le 15 et les jours suivants l’ardeur des Allemands se ralentit. C’est le moment que choisit le commandement malgré l’épuisement de la Division, pour se préparer à porter des coups à son tour.
Le 18 janvier au soir le BM4 relevé par le BM 21, quitte SELESTAT pour KINTZHEIM. Lors de la relève un lieutenant est très gravement blessé en désignant de trop près avec sa canne une mine qu’il passe en consigne à son successeur (rue de la Redoute)
Le personnel est très fatigué par les veilles prolongées, le froid, le qui vive permanent qu’exigeaient la situation et les nouvelles démoralisantes reçues des autres bataillons. Cependant le BM 4 a été sans doute le moins éprouvé depuis le début du mois et il est placé en pointe du nouveau dispositif.
COMBAT DE L’ILLWALD
Le BM 4 a quitté SELESTAT le 18 Janvier au soir, pour KINTZHEIM où il relève le Bataillon de Légion Étrangère. Les jours suivants, le contact est pris le long de l’Ill. Les 23 et 24, le Bataillon se prépare à franchir la rivère. On comprend, qu’une nouvelle phase commence, offensive cette fois (en fait c’est le début des dispositions en vue de liquider la poche de Colmar)
L'artillerie amie est très énergique depuis les collines. Au bout du chemin rural qui vient de Saint-Hippolyte, la construction d'un pont est entreprise sur l’ILL pour permettre le passage des véhicules. L’'endroit est bien couvert, mais le chantier a été repéré et se trouve sous un harcèlement constant de l' artillerie allemande. Le Sergent-chef DAVANAUD de la 2ème Compagnie est mortellement blessé lors d’une reconnaissance. De leur côté les pontonniers ont de lourdes pertes et la construction prend du retard.
On pense cependant que le pont sera utilisable le 25.
Ce jour là, au lever d’un jour glacé la 2ème compagnie traverse la rivière par des moyens de fortune et s’avance vers les lisères Sud de l’ILLWALD. Quelques postes allemands sont facilement bousculés ,plusieurs ennemis sont capturés.
A 12h30 la compagnie atteint son objectif : la corne Sud-Est de L’ILLWALD, et s’y établit en hérisson entre la lisère Sud, la lisère Est et le premier layon . Une patrouille est envoyée vers le bois du SPECK , elle accroche et fait un prisonnier.
Mais les allemands ne tardent pas à réagir. Un char lourd s’approche, venant de la direction d’Ohnenheim et canonne nos gens à courte distance de l’autre côté du "SCHEIDGRABEN". Plus tard ce sont des patrouilles qui tâtent notre contour.
Il faut s’installer mais le sol est profondément gelé et avec les outils portatifs il n’est pas possible de s’enterrer sérieusement. La nuit est tombée, le froid intense colle l’acier des armes à la peau.
Le gros du bataillon n’a pas pu suivre à temps et la compagnie devra passer la nuit isolée à plusieurs kilomètres en avant des lignes amies.
Vers 17h30 notre corvée de ravitaillement tombe dans une embuscade. Un instant après c’est le tour d’une équipe de brancardiers ramenant un blessé. De minute en minute on se rend compte de ce que les Allemands sont partout, tout autour. Leurs signaux éclairants se multiplient.
A 18h00, c’est un assaut furieux
Près de 3 heures la compagnie va résister. La neige qui assourdit tout ne peut assourdir le claquement des rafales et le craquement des explosions ni, pendant les secondes d’accalmies, les hurlements des Allemands à quelques mètres poussés en avant. Les balles traceuses ricochent dans les arbres, la flamme des grenades et des panzerfaust déchirent l’obscurité, formant un spectacle hallucinant.
Une section de la 2ème Compagnie tente une contre attaque et une manœuvre par le layon. A peine s’est-elle élancée que la mitraille redouble. C‘est à ce moment que tombèrent pour n’en citer que deux l’un des plus âgés et l’un des plus jeunes de la compagnie.
L’adjudant BOURCHANIN, 37 ans ancien chef de la brigade de gendarmerie de MENS dans l’Isère. Belle figure de la résistance Dauphinoise rescapé des prisons ennemies et qui, à peine remis des tortures subies avait tenu à poursuivre le combat. Et puis le petit Roussel jeune agent et ardent vosgien de 17 ans, engagé vers Belfort, ils ont été fauchés en plein élan à quelques secondes d’intervalle. Les actions héroïques ne se comptent pas, dont beaucoup n’ont plus de témoin.
Cependant, l’acharnement de l’ennemi ne faiblit pas. Aux assauts succèdent les assauts. Chez nous les munitions s’épuisent et les défenseurs décimés cèdent du terrain peu à peu. Les Allemands finissent par atteindre le centre du dispositif. Il ne reste plus rien à faire qu’à rassembler les hommes et à tenter un repli difficile dans la nuit glacée.
Il faut d’abord franchir les tirs de notre artillerie qui s’est déchaînée et qui « engage » la compagnie. Malheureusement de trop loin car les Allemands dans la nuit on tout de suite trouvé le corps à corps. Ensuite après de multiples épreuves après de nouveaux accrochages, car tous les passages sont gardés après avoir traversé les multiples et profonds ruisseaux qui traversent cette forêt les détachements parviennent à l’ILL où ils sont recueillis.
Ils ramènent même deux prisonniers. Par ces derniers, et par des prisonniers faits les jours suivants, on saura que la compagnie à subi l’assaut d’un bataillon juste arrivé de Scandinavie particulièrement équipé et entraîné au combat par grand froid. On saura aussi que ses pertes le soir là ont été lourdes.
Quant à la 2ème compagnie elle a laissé 33 des siens couchés dans la neige et elle a perdu de nombreux blessés capturés.
Ce fut probablement le premier dur combat des opérations engagées pour liquider la poche de Colmar.
Dans les jours suivants, la 1ère DFL aura encore de grosses difficultés avec l’artillerie ennemie. Quant à la 2ème compagnie elle regroupe rapidement ses rescapés en deux sections, pour remonter en ligne le 30 janvier et participer à la poussée vers l’Est. Depuis les bois d’ILLHAUSERN, le BM4 parvient à OHNENHEIM, ELSENHEIM et MARCKOLSHEIM.
C’est seulement alors que la 2ème Compagnie put revenir dans l’ILLWALD pour ramener ses morts.
Le fait d’armes de le Compagnie
CHAMBARAN 25 janvier 1945
En cette journée de souvenir trentenaire nous souhaitons une cordiale bienvenue aux anciens du Bataillon de Marche N° 4 en pèlerinage en Alsace. Nos salutations et notre reconnaissance vont tout particulièrement aux officiers. aux sous-officiers à Marie-Jeanne et aux hommes de la 2ème Compagnie (CHAMBARAN) qui se sont couverts de gloire au GARTFELD d’abord du 2 au 18 janvier et dans L’ILLWALD. Avec eux la population de SELESTAT aura une pensée pieuse pour ceux qui ont laissé leur vie pour que SELESTAT soit libéré.
Dr M. Kubler Maire de SELESTAT
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ILLWALD, CAMBARAN