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Le soleil à Austerlitz.
A son retour en France il est envoyé sur les Côtes de l'Océan. Pour mettre à exécution son plan de débarquement en Angleterre le Premier Consul avait en effet rassemblé à partir de 1803 le long des côtes de la Manche une flottille de 1.200 chalands et une armée de 150.000 hommes; le quartier général était installé à Boulogne ... Quand Napoléon apprend l'entrée de l'Autriche en Bavière, il fait aussitôt "pirouetter cette grande armée pour la lancer au cœur du continent». Ceci se passe en août 1805. Baudinot, nommé au grade de chef de bataillon au 26èmerégiment d'infanterie légère suit le mouvement et part pour l'Autriche. Le 16 octobre il est à Ulm et le 2 décembre il est présent à la fameuse bataille des Trois Empereurs. Sa bravoure et son audace au cours de cette mémorable journée lui valent la croix de chevalier de la Légion d'Honneur.
Après la troisième coalition, dissoute par le traité de Presbourg le 25 décembre 1805, la paix ne dure pas longtemps. Sous l'influence de la Prusse la quatrième coalition s'amorce dès septembre 1806. Napoléon lui répond par l'offensive, que viennent couronner les victoires d'Iéna et d'Auerstaedt le 14 octobre, victoires qui ouvrent aux Français l'entrée de Berlin. La Prusse est abattue et les Russes restent seuls sur le continent en face de Napoléon, qui prend ses quartiers d'hiver à Varsovie. Le 8 février, c'est la sanglante et indécise bataille d'Eylau, mais il faut la victoire de Friedland (14 juin) pour contraindre Alexandre à demander un armistice qui après l'entrevue de Tilsit (25 juin) est suivi du traité du même nom.
C'est dans un des combats entre arrière-garde russe et avant-garde française qui précédèrent le fameux massacre d'Eylau que Baudinot, le 10 juin à Heilsberg, est blessé une nouvelle fois: un coup de feu lui traverse la jambe droite. Sa belle conduite lui vaut d'être fait officier de la Légion d'Honneur.
Le héros d'Enzersdorf.
Au cours de l'intervention de Napoléon en Espagne, l'Autriche, humiliée par le traité de Presbourg, cherche à prendre sa revanche. En avril 1809 elle envahit la Bavière, que les Français libèrent par une série de victoires. Le 28 mai, quelques jours après la bataille d'Essling, Baudinot reçoit de l'Empereur le commandement du 46ème régiment d'infanterie de ligne; au début de juillet le jeune colonel de 33 ans se couvre de gloire dans les préludes de la bataille de Wagram.
Il reçoit en effet l'ordre de s'emparer du village d'Enzersdorf sur la rive gauche du Danube, juste en face de l'île de Lobau, où se dresse la grande tente de l'Empereur. La prise de cette place est très importante en tant que pivot d'une manœuvre de débordement du système autrichien et l'Empereur veut à tout prix l'assurer en envoyant de nouveaux renforts; avant de le faire il s'informe de l'identité du régiment qui charge. On lui répond; « le 46ème », «Cela suffit, dit-il alors, c'est le brave Baudinot qui le commande, je suis sûr de lui». Aux journées de Wagram, les 5 et 6 juillet, Baudinot est encore une fois blessé à la suite de la chute de son cheval qui est tué sous lui.
Baron de l'Empire.
La campagne de 1809 marque réellement l'apogée de l'Empire. Engagé à l'armée depuis 1789, Baudinot a suivi sur tous les théâtres de guerre l'épopée du jeune capitaine d'artillerie qui s'était fait remarquer au siège de Toulon. Il était encore dans le coup, quand se forgeaient les victoires de Bonaparte en Italie. Sous le Directoire il a fait l'Egypte. Déjà titulaire de la «croix des braves» acquise à Austerlitz, il est promu officier de la Légion d'Honneur au cimetière d'Eylau.
Mais un autre honneur lui était encore réservé: par lettres patentes du 10 avril 1811 Napoléon le fait baron de l'Empire avec une donation de 4.000 francs de rente sur la Westphalie, 19 mars 1808, et sur le Trasimène, 15 août 1809. Les meubles de ces armoiries sont en grande partie inspirés par la campagne d'Egypte. Baudinot a ainsi fait rentrer dans l'héraldique une note exotique: le sphinx, le Nil, le palmier et le crocodile sont pour lui autant de souvenirs de son expédition au pays des Pharaons.
La campagne de Russie.
La crise économique et sociale des années 1811 et 1812, ainsi que les résistances nationales, annoncent déjà le déclin que vient accélérer la campagne de Russie. Le 46ème de ligne fait partie du 8ème corps de la Grande Armée qui s'engage sur la route de Moscou le 24 juin 1812. Le Niémen est traversé à Kovno et, 4 jours après, les Français atteignent Vilna, où Baudinot reçoit sa nomination d'adjudant-commandant à la suite du quartier général (1er juillet 1812). A ce titre il suit l'Empereur, dont l'itinéraire passe par Vitebsk, et, après franchissement du Dniepr, longe la rive gauche du fleuve jusqu'à Smolensk. La bataille pour cette ville a lieu le 17 août et est très sévère. L'armée du Tsar passe sur la rive droite du Dniepr et entame sa retraite sur Moscou, entraînant ainsi les troupes françaises toujours davantage au cœur de l'immense Russie. Le 7 septembre c'est la sanglante bataille de la Moscova, victoire incertaine revendiquée aussi par les Russes sous le nom de Borodino. La Grande Armée arrive devant Moscou le 14 septembre.
C'est dans cette ville que Baudinot est appelé à remplacer à la tête du 120ème régiment d'Infanterie de ligne le Colonel Thoulouze qui avait été tué sur le plateau de Valoutina à quelques 20 km de Smolensk. Moscou, premier octobre 1812, tragique circonstance de prise de commandement d'un régiment d'élite de la Grande Armée, régiment qui a laissé sur le terrain à Valoutina en plus de son chef 1.500 tués ou blessés et qui le lendemain de la bataille reçut 80 croix de la Légion d'Honneur des mains de l'Empereur.
Le 13 octobre tombe la première neige. Le 19, l'Empereur quitte Moscou avec le gros de l'armée, et c'est le début de l'affreuse retraite de Russie dans le froid et la misère et sous le harcèlement des cosaques. A Uiazma, situé à mi-chemin entre Moscou et Smolensk, Napoléon donne une organisation à cette retraite en divisant ce qui reste de la Grande Armée en 4 groupements qui marchent à une journée de distance: la Garde qui prend la tête, le Prince Eugène, Davout et Ney. A ce dernier est confié le commandement de l'arrière-garde dont fait partie le 12° régiment d'infanterie.
A un moment donné Baudinot se voit poursuivi par d'innombrables cosaques; engager le combat, cela aurait été compromettre tous ses hommes. Un pont est en vue, il fait accélérer le pas et pendant que les Français passent le pont, il fait placer sous les arches un caisson chargé de poudre. La «mine improvisée» éclate sous les pieds des poursuivants et permet ainsi à ses hommes de continuer leur retraite.
En novembre le passage de la Bérésina à Studianka est une catastrophe.
Faim, froid et maladie anéantissent la Grande Armée dont les débris arrivent aux frontières de la Prusse à la fin de l'année. A présent, c'est le retournement de toute l'Europe contre la France. Au printemps 1818 la campagne de Saxe semble d'abord favorable avec les victoires de Lützen (2 mai) et de Bautzen (20 mai) suivies d'un armistice de deux mois signé le 4 juin à Pleswitz. Mais 10 jours à peine après cet accord, les alliés lancent la 6ème Coalition. L'Empereur donne alors la plénitude de son génie en battant les 26 et 27 août à Dresde les Prussiens, les Russes et les Autrichiens commandés par Schwarzenberg. C'est là la dernière victoire ... mais son succès est loin d'être décisif en raison des défaites subies en Saxe par ses généraux.
Malgré la perte d'une phalange du gros orteil à la suite de gelures des pieds au cours de la retraite de Russie, Baudinot a encore fourni le meilleur de lui-même au cours de cette campagne et il est élevé à la dignité de Commandeur de la Légion d'Honneur.
La domination de Napoléon en Allemagne se termine par la bataille des Nations, à Leipzig du 16 au 19 octobre; et bientôt ce sera l'invasion des coalisés et... la campagne de France. Baudinot n'assistera pas à cette agonie: le 11 novembre 1813 il est en effet fait prisonnier à la capitulation de Dresde. Sa rentrée en France n'a lieu qu'après la chute de l'Empire. On devine aisément son état d'âme en rentrant de captivité, on comprend aussi que d'emblée il salue le retour de son «maître» de l'île d'Elbe. Avec enthousiasme il reprend du service et reste fidèle au combat jusqu'à l'épreuve finale de Waterloo.
La Retraite du brave.
Le Colonel Baudinot est mis à la retraite le 14 septembre 1816. Agé de 40 ans, il termine sa carrière militaire et se retire à Sélestat à l'ancien hôtel du gouverneur, au 12, rue des Bourbons - tel était le nom de la rue de l'Empereur sous les Bourbons. Il a la joie d'avoir auprès de lui pendant quelques années encore sa mère qui décède le 6 juillet 1822, ainsi que son frère Louis, capitaine en retraite et sa sœur Jeanne. Des difficultés surgissent fatalement au retour à la vie civile de tous ces officiers et soldats qui viennent de faire les campagnes de la Révolution et de l'Empire: problèmes matériels d'abord pour tous ces fidèles mis en demi-solde; difficultés morales surtout pour ces vétérans de la Grande Armée qui, au risque de devoir affronter les tribunaux pour la franchise de leur langage, deviennent les plus ardents propagateurs de la légende napoléonienne. Dorlan évoque l'accusation portée contre lui à ce propos devant un conseil de guerre de la Restauration et son acquittement prononcé à l'unanimité grâce à la «noble attitude et la fermeté du prévenu». Ces déceptions n'arrivent pourtant pas à obscurcir sa retraite. Malgré la modestie de sa rente, il trouve encore moyen de soulager les pauvres; la bravoure au combat n'avait pas rendu ce cœur de soldat insensible à la misère humaine.
La mort surprend le baron Baudinot le 27 décembre 1840. Le 5 décembre, 12 jours exactement avant sa mort, avait eu lieu le transfert solennel des cendres de Napoléon sous le dôme des Invalides. C'était là probablement l'ultime satisfaction éprouvée par le baron Baudinot : de savoir exaucé le vœu de l'exilé de Sainte -Hélène. Son corps est inhumé au cimetière nord dans la tombe où repose déjà sa mère. Son frère Louis qui lui survit jusqu'au 5 août 1848 et sa sœur Jeanne qui décède le 19 janvier 1862 font élever en leur mémoire le 6 juillet 1845 un monument très original exécuté en grès rose par T. Sichler
PS: Depuis 1919, Sélestat a une rue Baudinot. Lors du changement de nom des rues réalisé après la guerre de 1914-18, la commission municipale a tenu à honorer le baron Baudinot en donnant son nom à l'ancienne impasse Ste Barbe appelée Barbaragasse après le démantèlement des remparts. Cette rue fait communiquer la place de la Victoire avec le boulevard Foch.
SELESTAT - GENERAL BAUDINOT